Organisée par Jones Lang LaSalle, la présente table ronde invitait M. Didier Reynders d’une part à préciser sa vision de l’évolution de Bruxelles et, d’autre part, à répondre aux interrogations quant à la mobilité/accessibilité, la construction de logements et de bureaux, la politique urbaine et l’attractivité de la Capitale, des représentants du secteur immobilier bruxellois.
M. Didier Reynders est actuel Ministre des Affaires Etrangères et candidat MR aux prochaines élections régionales et a présenté son livre-analyse “Bruxelles pour tous, Vaincre la fracture”. La secteur immobilière était représentée par Marnix Galle – CEO d’ALLFIN GROUP / Serge Fautré – CEO d’AG Real Estate / Benoit De Blieck – CEO de BEFIMMO / Jean-Edouard Carbonnelle – CEO de Cofinimmo / Stephan Sonneville – CEO d’Atenor Group / Philippe Weicker – Executive Advisor de CODIC Group / Vincent H. Querton – CEO Benelux de JLL et Guy Van Wymersch, General Manager of AXA Real Estate.
Le modérateur du débat était Philippe Coulée.
Interrogé quant aux futurs développements immobiliers majeurs (hôpitaux, écoles, prisons,..), Didier Reynders, précisait notamment que ceux-ci devaient être réfléchis et envisagés selon deux aspects :
Ainsi, si nous considérons le difficile problème du lien à établir entre le haut et le bas de la ville, les futurs développements immobiliers qui s’y établiront ne pourront voir le jour que sous la forme de PPP – à condition qu’il s’agisse de véritables partenariats. Cela signifie, entre autres, de reconsidérer le principe des charges d’urbanisme pour lui préférer un modèle dans lequel l’imposition cède le pas à l’intégration, à savoir un projet immobilier qui intègrera les demandes du secteur public (p.ex.: construction d’une école, d’une crèche,…) dans son périmètre.
Si nous sommes tous d’accord avec le principe qui vise à limiter le nombre de véhicules en ville , encore faut-il que les considérations quant à une mobilité urbaine plus douce soient précédées d’un préalable : que les navetteurs puissent abandonner leurs véhicules dans des parkings de ‘persuasion’ à la fois à proximité des gares périurbaines et autour du pentagone.
Parallèlement, il s’agit aussi de confirmer Bruxelles dans sa position de Capitale européenne. A cet égard, les autorités régionales doivent encourager les investissements de l’Europe dans la ville, notamment par une approche proactive qui fait actuellement défaut.
Toutefois, une telle approche requiert, d’une part, que ces investissements se distribuent mieux dans la ville afin de contribuer à l’émergence d’une mixité sociale économique et culturelle, et, d’autre part, que les autorités européennes prennent leur part dans le développement harmonieux de la ville.
L’un des grands défis de Bruxelles sera de produire entre 7 et 8.000 logements/an au cours de la prochaine décennie. Sachant que le privé assure une production de +/- 3.500 unités/an et les acteurs publics +/- 1.700, le déficit est flagrant (entre +/- 2 et 3.000 logements /an). A cet égard l’UPSI prévoit un pacte dans le cadre de la régionalisation. Ce pacte souhaite “permettre au privé de combler ce vide sous condition de plusieurs mesures concernant tant le fédéral (TVA) que le régional (produire du logement). Schématiquement ces mesures s’appliqueraient aux éléments suivants :
En effet, l’urgente nécessité de construire du logement doit s’appuyer sur les lois du marché. A cet égard, “On comprend aisément qu’accroître l’offre d’un bien quelconque en fait baisser le prix et est préférable à une baisse ‘artificielle’ réalisée par un contrôle de ces mêmes prix. En conséquence, gardons les choses simples et donnons des permis, notamment pour rehausser des immeubles existants” (Serge Fautré)
Dans sa réponse, Didier Reynders précisait qu’en matière de logement, trois types de mesures sont possibles :
“A ce niveau, pourquoi ne pas remplacer l’attribution d’une voiture de société par une aide à l’acquisition d’un logement pour jeunes ménages ?
“Après le 25 mai et les pertes/gains de voix de chacun nous risquons toutefois de nous retrouver dans la même constellation/fragmentation politique et nos challenges n’auront que peu varié. Si nous souscrivons à vos propositions/idées , nous doutons toutefois, pour les raisons politiques précitées, de leur possible mise en oeuvre” (Marnix Galle)
Pour l’actuel Ministre des Affaires étrangères, cela renvoie à l’idée du ‘Comment présenter politiquement les choses’ ? Si vous voulez redynamiser le pentagone selon une vision culturelle et commerciale de qualité , faut-il y autoriser du logement social ou accepte-t-on de n’y mettre que du logement moyen/supérieur supposé attirer une population dynamique ? Il faut regarder ensemble – au-delà des clivages politiques – deux éléments :
“Ce qui importe c’est de faire tourner le capital (créer de la richesse). L’actuelle complexité et donc lenteur présidant aux décisions ne vont pas dans ce sens.” (Stephane Sonneville)
“Si nous regardons la fiscalité des transferts de propriétés, les recettes des droits d’enregistrement (+/- 450 millions €) sont quasi exclusivement supportées par les 12,5% prélevés sur le marché résidentiel et donc payées par les citoyens. Ne peut-on imaginer un système plus juste mettant également à contribution le marché du non-résidentiel ? (Jean Edouard Carbonelle)
Dans sa réponse, Didier Reynders constatait que la situation manque effectivement d’homogénéité et reflète une inégalité qui pourrait être réduite, dès lors qu’on appliquerait un système forfaitaire de taxation pour tous les types d’immeubles.
Par ailleurs, favorable à une portabilité des droits d’enregistrement, il justifie sa position au regard d’un double motif :
“Si Bruxelles est passée d’un marché national d’une ‘petite ville’ à un marché international de la ‘Capitale de l’Europe’… les niveaux de loyers et de valeurs n’ont quasi pas évolué en 20 ans. Il y a là un hiatus quant à la production de richesse. Les investisseurs internationaux salueraient avec enthousiasme une décision sécurisant et clarifiant les conditions fiscales et réglementaires des développements immobiliers” (Vincent Querton) .
“La complexité – pour ne pas parler de la piètre qualité – des textes légaux relatifs à l’immobilier (charges d’urbanisme, taxes, parkings) qui contraint à des acrobaties juridiques pourrait être atténuée par une implication plus importante du secteur (via notamment l’UPSI) dés l’élaboration des textes. Cela aurait également le mérite de rassurer les investisseurs étrangers.” (Guy Van Wymersch)
Reconnaissant la nécessité de mettre fin à des montages juridico-financiers très compliqués, Didier Reynders soulignait également que “la complexité actuelle trouve son explication dans le fait que les gouvernements sont des coalitions. Or, qui dit coalition dit compromis…. et donc complexité des textes !”. Toutefois, simplifier et re-codifier les textes pourraient se faire notamment via le Bureau de Coordination du Conseil d’Etat. Son rôle serait de ‘préparer et structurer’ les textes de façon à en simplifier les applications.
Quoi qu’il en soit,“il paraît évident que la simplification ne passera pas par le fédéral mais bien par des accords, à la fois au sein et entre les Régions.”
A cet égard, l’idée d’une ‘Communauté métropolitaine’ (= hinterland de Bruxelles étendu sur l’ancienne province de Brabant) – elle figure dans les accords de la sixième réforme de l’Etat – mettrait en présence les trois régions partageant les mêmes soucis (Ring et mobilité, RER, Aéroport,…) et constituerait un lieu de concertation mettant en jeu les compétences régionales au-delà de toutes considération irrédentistes.
Plus en détails, la simplification bruxelloise porterait sur différents points dont “une réforme du droit de l’urbanisme évitant les oppositions systématiques et accélérant les procédures de permis.”