Organisée dans le cadre du Salon Habitat (Liège) – et dans l’attente de la future mise en application du CoDT wallon (Code du Développement Territorial) en remplacement de l’actuel CWATUPE (Code wallon de l’Aménagement du Territoire, de l’Urbanisme, du Patrimoine et de l’Energie) – la présente Table Ronde s’est intéressée au double problème de l’obtention des permis d’urbanisme et des infractions urbanistiques.
Pour en mesurer les enjeux la présente table ronde réunissait :
Considéré par la plupart des professionnels de la construction, des mandataires communaux et des maîtres d’ouvrage comme totalement incompréhensible à force d’amendements, le CWATUPE (modifié/amendé plus de 180 fois depuis son entrée en application !) sera prochainement remplacé par le Code du Développement Territorial (CoDT) dont l’entrée en application est attendue pour le printemps 2017.
Sachant que la Wallonie connaîtra un boom démographique (+25%) d’ici 2060 et un accroissement proportionnel de ses besoins urbanistiques et immobiliers, ce code devrait simplifier – et donc accélérer – l’ensemble des procédures urbanistiques, dont celles de l’attribution des permis. Sans préjuger de son efficacité future on rappellera en effet que les objectifs du CoDT consistent, entre autres, à :
Apporter des réponses rapides pour les projets structurants en simplifiant les procédures (notamment pour la révision des plans de secteur) ;
Quand faut-il introduire la demande de permis ? Quand l’administration (urbanisme) la considère-t-elle comme complète ? De quel délai dispose-t-elle pour se prononcer et quid en cas de non réaction (dans les délais) ou de refus ? Or, si l’on peut espérer que l’informatisation accélère les processus et permette une meilleure planification des opérations de construction – il reste que pour rendre ce code opérationnel, il conviendra de former les +/- 2.500 fonctionnaires en charge de son application. Or une telle formation – en amputant momentanément l’administration d’une partie de ses ressources – risque de pénaliser les dossiers en cours ! (Patrick Dresse)
Par ailleurs, pour ce qui concerne les infractions (voir infra encadré ‘Infractions’) on relève aujourd’hui un déficit de communication entre l’Administration du cadastre (ACDE = Administration du Cadastre, de l’Enregistrement et des Domaines) et celle de l’urbanisme (niveau communal) qui pose problème. En effet, certains acheteurs ou héritiers d’un bien modifié se retrouvent – alors qu’ils sont de bonne foi – en infraction urbanistique faute de cette communication : l’urbanisme n’ayant pas repris les modifications enregistrées au cadastre ! Sachant que le délai de régularisation est de +/-1 an (!) on retarde – et donc pénalise d’autant – la réalisation des transactions immobilières et le dynamisme économique qui les accompagne. (Caroline Lejeune)
Dans un système qui voit les communes de plus en plus endettées et exsangues, la bonne question ne serait-elle pas de se demander combien coûte au Trésor Public les retards notamment dans la délivrance des permis ? (Gilles Tijtgat)
Par ailleurs, en voulant ‘bien faire’ certaines communes ont rajeuni leurs cadres administratifs dont les compétences sont indéniables. Toutefois, un effet pervers fait que ces cadres complexifient les démarches par des comportements inutilement tatillons – sans doute lié à un principe existentiel ou à la nécessité de justifier leurs salaires ( !?) – et allongent plus encore la procédure.
Si, comme l’explique Gilles Tijtgat, les principales infractions urbanistiques consistent en des changements d’affectation ou d’utilisation d’un bien, des travaux d’extension d’immeuble, des divisions de biens en plusieurs unités de logement ou encore l’aménagement de zones de recul en parking, on remarque, plus en détails, que ces infractions varient par taille et par région. Ainsi dans le Brabant Wallon ce sont les piscines qui sont généralement en infraction alors que dans les principales villes ce sont les changements d’affectation (ex. : une maison de maître divisée en multiples appartements/logements). Par ailleurs d’autres ‘infractions’ tiennent du ridicule (ex. : pose d’un Velux en toiture) voire de l’hypocrisie. Exemple : Une maison de maître divisée en plusieurs logements étudiants évitera l’infraction en utilisant une seule boîte aux lettres collective, une seule sonnette et en invoquant la colocation
Plus surprenant, outre l’existant, on estime que 40% des biens neufs sont en infraction. C’est le cas lorsqu’un grenier ou une cave sont aménagés en chambre et rendent alors le bien non conforme à la certification PEB initiale !
Patrick Dresse, Caroline Lejeune, Wauthier Dumont de Chassart
Si l’attribution des permis de construire est problématique, il est à craindre que celle des permis de lotir (on parle ici de construction de quartiers dont les implications politiques/électoralistes sont plus importantes) ne le soit davantage. En effet, avec le Cwatupe (actuellement toujours d’application) la modification permanente des régimes a créé une incertitude et une confusion délétères : Quid ainsi d’une demande introduite sous le régime ‘X’ qui voit les travaux de construction débuter sous le régime modifié ‘Xa’ ? (W. Dumont de Chassart).
Cette situation met en évidence trois éléments :
Remarque : Dans le seul secteur de la construction, on estime que la ‘perte de confiance’ qui multiplie le nombre de vérifications/confirmations lors des différentes phases du processus ‘coûte’ entre 1,5 et 2 milliards/an
En effet, comme le souligne Sébastien Tabourdon la situation actuelle de la phase d’obtention des permis montre les hiatus suivants :
Actuellement plusieurs formations – débutées depuis +/- 2 mois – ne semblent toutefois pas affecter les délais d’attribution des permis. Par ailleurs, alors qu’avec le CoDT l’administration et les politiques ont été à l’écoute de tous les acteurs du secteur et que les réformes proposées vont dans le bon sens d’un pragmatisme accru, il serait ridicule de rater la mise en application du nouveau code faute d’une formation ad hoc complète. On rappellera également que les premiers effets de ce nouveau règlement devront surtout être visibles pour …. les prochaines élections. (Aubry Lefebvre) Parmi ces résultats positifs attendus, les promoteurs/développeurs devraient disposer, dès le départ de la procédure, de garanties quant au nombre de logements autorisés dans un programme. Certaines communes ayant tendance à revoir – en cours de chantier – le quota initialement autorisé. Pratique électoraliste courante mais qui va à l’encontre de l’établissement d’un climat de confiance. (Caroline Lejeune)
Au niveau régional, un des objectifs du CoDT portera sur la densification des noyaux d’habitats afin d’éviter les étalements urbains. En effet, outre que cet étalement urbain (principe des banlieues) rogne le territoire (env. 9 ha/jour pour l’ensemble de la Belgique), un noyau d’habitats dense limite les flux de circulation et rentabilise mieux les services (voiries, distribution énergétique, etc.). La densité est donc un facteur de qualité environnementale.
Pour mémoire on rappellera qu’en Belgique + /- 20% du territoire est construit mais présente de fortes disparités (16% en Wallonie contre 26% en Flandre.). On rappellera également – qu’à l’inverse de ce qui est la règle des autres métropoles européennes – les centres urbains de la plupart des villes belges sont paupérisés alors que les banlieues sont notablement plus riches !
Cette réflexion quant à l’aménagement du territoire vise alors – très caricaturalement – à répondre aux questions du où développer des écoles, des piscines, des routes, etc., en se souvenant de deux éléments :
On rappellera que dans un PPP – tel celui qui, en Flandre, a déjà vu la construction de plus d’une centaine de « scholen van morgen » (= écoles de demain) en partenariat avec AG Real Estate – c’est toujours le privé qui prend le risque financier (*)
Logique de cette équation : plus le risque est élevé plus le projet sera onéreux. En conséquence et selon une formule lapidaire : avec une adjudication on paye aujourd’hui un investissement pour demain. Dans un PPP on reporte à demain le coût d’un investissement réalisé aujourd’hui. Il reste néanmoins que ces montages complexes offrent des intérêts incontestables du fait des contrats DBFMO (**) qui les régissent. Toutefois, force est de constater que les administrations ne disposent quasi jamais en interne des compétences nécessaires à l’établissement de tels montages …et passent donc par des consultants privés.
Cela renvoie à la nécessité de rendre la fonction publique un peu plus glamour (son image auprès du public est généralement désastreuse) si l’on souhaite disposer des expertises nécessaires. … aux bons endroits ! (Caroline Lejeune)
A contrario on reconnaîtra que les réformes successives de l’Etat ont (sur)chargé les communes avec des missions de plus en plus lourdes, précisément en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire, au point de poser la question : dans la mesure où un programme d’aménagement du territoire affecte généralement un espace régional voire national, le degré communal est-il vraiment le bon niveau de pouvoir ? Poser la question c’est aussi y répondre ! Mais le sacrosaint principe de l’autonomie communale (inscrit dans la Constitution) bloque toute avancée à ce jour. Toutefois, s’agissant des compétences nécessaires à l’élaboration des PPP on peut s’inspirer de certains exemples et les généraliser : Ainsi dans la province de Luxembourg, une cellule englobant des compétences juridiques et administratives pointues est mise à disposition des communes – moyennant une petite redevance – pour les aider à monter des dossiers PPP difficiles (Patrick Dresse).
On ajoutera qu’au sein d’un PPP, il appartient également au pouvoir public de remplir son rôle. Or ce rôle – qui porte généralement sur la viabilisation d’un futur espace à bâtir – est rarement rempli et reporte en conséquence la charge ‘d’aménagement du site’ sur le privé. (Sébastien Tabourdon)
(*) Dans ce PPP ‘exemplaire’, lorsque tous les chantiers seront clôturés (2018). AG Real Estate aura livré 182 projets uniques de construction de bâtiments scolaires dans le cadre de Scholen van Morgen. L’ensemble représentera une surface bâtie de 710.000 m2 et des aménagements des environs d’une superficie de 600.000 m2, et accueillera plus de 133.000 élèves. C’est le plus grand projet d’infrastructures sociales d’Europe.
(**) Contrat DBFMO (= Dessiner, Bâtir, Financer, Maintenir, Opérer). Il s’agit d’un contrat par lequel le partenaire privé d’un PPP s’engage à prester ces 5 services. Ces responsabilités sont alors autant de garanties de la qualité de ses interventions et donc de la performance du bâti.